Le commerce de la Russie avec le Maroc suit une courbe en J
Le président russe Vladimir V. Poutine a annoncé lors d’une réunion du cabinet que la Russie et quatre pays d’Afrique du Nord, à savoir l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et la Tunisie, étaient en pourparlers pour une zone de libre-échange. Celui-ci serait ensuite fusionné avec le groupe économique de la Russie, de la Biélorussie, du Kazakhstan, du Kirghizistan et de l’Arménie, appelé Union économique eurasienne. Cette annonce intervient après le deuxième sommet Russie-Afrique tenu à Saint-Pétersbourg le mois précédent.
Actuellement, le volume des échanges commerciaux de la Russie avec les pays africains est considérablement faible et la majorité est saturée dans quelques pays sélectionnés. Ils traitent avec leurs confrères des BRICS d’Afrique du Sud, du Maroc et d’Algérie. L’année dernière, les échanges commerciaux entre les deux pays ne représentaient qu’un maigre 18 milliards de dollars, dont 4,7 milliards de dollars en produits alimentaires. Ce montant commercial semble négligeable face à celui de la Chine et des pays africains, qui a atteint 282 milliards de dollars l’année dernière.
Le commerce du pays avec le Maroc, son troisième partenaire commercial dans cette région, se situe sur une courbe en J. Un média espagnol, Atalayar, a rapporté qu’entre 2020 et 2021, leurs échanges commerciaux ont augmenté de 42 %, atteignant 1,6 milliard de dollars. Le ministère marocain des Affaires étrangères a déclaré que depuis 2021, leur commerce bilatéral a connu une amélioration de plus de 25% et que la croissance se poursuit également cette année.
La Russie exporte des produits chimiques, des produits alimentaires, des métaux, des technologies, des hydrocarbures et des dérivés comme l’ammoniac et la potasse pour répondre à la demande d’engrais vers le Maroc. De même, le Maroc exporte des légumes et des fruits comme des citrons et des tomates, outre du poisson, vers la Russie. Le Maroc importe également du diesel à prix réduit de Russie ces derniers temps. Atalayer a indiqué que les importations de diesel en provenance de Russie sont passées de 66 000 tonnes en 2021 à 735 000 en 2022.
Le pays travaille sans relâche pour assurer ses besoins économiques tout en jonglant avec les sanctions imposées par l’Occident. Selon les documents officiels de l’Union européenne, des pays du G7 et de l’Australie, ils ont gelé des réserves d’une valeur de 300 milliards de dollars (326 milliards de dollars) de la Banque centrale russe et 70 % des actifs du système bancaire russe.
Le Maroc s’efforce rapidement de devenir une nation neutre en carbone en investissant massivement dans des parcs solaires. Ils ont des objectifs ambitieux mais sont loin d’être à la hauteur en termes de production d’énergie. Le Maroc importe d’énormes quantités de charbon de Russie pour alimenter ses centrales de production d’électricité au charbon. Ils ont réussi à les importer car ils ont été exclus de la liste des sanctions par l’Occident pour des raisons inconnues.
Avantages économiques mutuels
L’Égypte et la Tunisie bénéficieront particulièrement d’une zone de libre-échange avec la Russie. Ils seront soulagés d’importer des céréales et des engrais russes. Après le retrait de Moscou de l’accord sur les céréales de la mer Noire, un grand nombre de pays ont été stressés par le manque d’approvisionnement alimentaire, ce qui pourrait déclencher une crise alimentaire dans leur pays. Avec un ALE, au moins ces quelques pays seront protégés de leurs approvisionnements en table à manger.
Cet accord corrigerait en réalité le déséquilibre commercial entre ces pays. Le montant des exportations russes vers ces petits pays comme l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte est bien supérieur aux exportations de ces pays vers la Russie. Cet accord vise à impliquer également d’autres secteurs de l’économie, comme le tourisme, qui constitue une importante source de revenus pour l’Égypte et la Tunisie. L’Algérie construit également son secteur touristique.
Jon Alterman, directeur du programme Moyen-Orient au Centre d’études stratégiques et internationales, estime que cet accord de libre-échange avec la Russie n’apporterait que quelques avantages mineurs et n’aurait aucun impact significatif sur les deux parties. La Russie, sanctionnée, propose des offres à prix réduits qui les aident à certains égards. Ces pays africains sont d’importants importateurs de produits alimentaires, et la Russie se trouve être un exportateur majeur de céréales et d’autres produits de base.
La Russie a une association historique avec les nations africaines et exerce une influence dans toute l’Afrique. Ils entretiennent depuis dix ans des relations saines avec l’Algérie et sont également implantés en Libye depuis 2011. La sécurité alimentaire est une préoccupation majeure pour ces pays, et la Russie se trouve être leur alliée de confiance dans cette affaire.
Risques associés
L’Algérie, Moscou et la Tunisie s’exposent à d’éventuelles sanctions, notamment celles liées à la signature d’un accord formel de libre-échange avec la Russie. Plus précisément, Rabat et Tunis s’efforcent d’établir des relations au-delà de l’Union européenne. Récemment, le Maroc et Israël ont signé les accords d’Abraham, qui ont conduit Tel-Aviv à reconnaître le Sahara occidental comme territoire marocain, ce qui a contrarié l’Algérie, qui soutient le Front Polisario indépendantiste.
La Russie jouit d’une certaine influence dans la région de l’Afrique du Nord et entretient des relations étroites avec l’Égypte et l’Algérie. Mais leur commerce avec le Maroc est à un niveau inégalé avec tout autre pays du continent, malgré le fait que les États-Unis entretiennent un bien meilleur partenariat stratégique avec Rabat.
Les États-Unis sont également un allié important de l’Algérie. La semaine dernière, le ministre algérien des Affaires étrangères était à la Maison Blanche pour sceller les investissements américains dans les mêmes secteurs où la Russie tente de renforcer ses relations. Il s’agit des secteurs de l’énergie, de l’agriculture et de la pharmacie.
Moscou a tout à gagner politiquement en travaillant en étroite collaboration avec des pays qui n’ont pas réussi à former une union économique entre eux. Elle entend également envoyer un signal à Washington de son influence sur le continent africain.
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