Le chantier de la reconstruction de Notre-Dame de Paris aura été un magnifique succès. Des travaux d’une telle ampleur, d’une telle qualité, réalisés en cinq ans grâce à une collecte historique d’argent privé, pas loin de 1 milliard d’euros : qui pouvait y croire ? La France a toujours été le pays du laisser-aller suivi du sursaut. Ce chantier restera comme un exemple de sursaut. Etant marié à une vitrailliste qui est intervenue sur ce chantier, j’ai pu vivre ce miracle « de l’intérieur », ou presque.
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On aimerait que le soufflé ne retombe pas, ce qui nécessite de s’interroger sur les spécificités de cette reconstruction. Car, à y regarder de près, les raisons pour lesquelles ce tour de force a été rendu possible en disent long sur ce qui abaisse artificiellement le dynamisme de l’économie française, et sur le regard un peu triste que notre société porte sur elle-même.
Le point crucial à comprendre, c’est que, quand il s’agit d’être rapide, efficace et innovant, notre Etat doit passer par un régime d’exception. Le village des Jeux olympiques, bâti dans la Seine-Saint-Denis, qui permettra à 12 000 personnes de se loger ou de travailler après 2025, a pu être réalisé en cinq ans et avec un budget maîtrisé grâce au dispositif légal spécifique mis en place pour l’événement. En l’état normal du droit, sa mise en œuvre aurait pris au moins dix ans, avec les surcoûts afférents. C’est pour cela que la première loi sur les JO de Paris, votée en 2018, « adapte les règles d’urbanisme », comme il est dit pudiquement dans le texte, c’est-à-dire qu’elle les simplifie drastiquement et court-circuite l’infernal dispositif de consultations publiques obligatoires, généralement dominé par les « Khmers verts », et auquel n’importe quel projet un peu conséquent est désormais soumis en France avant, trop souvent, d’échouer.
Des travaux effectués sans appels d’offres
Il est par ailleurs tout à fait intéressant de noter que la deuxième loi relative aux JO, celle de 2023, est parfaitement libérale : qu’il s’agisse de la vidéosurveillance, du travail le week-end, de la formation des soignants ou de la location de vélos, elle simplifie ou autorise. Magnifique aveu de l’Etat, qui sous-entend que la liberté et l’innovation sont les meilleurs gages d’efficacité et que, dans le cours normal des choses, il les empêche. La loi de 2019 sur la restauration de Notre-Dame était de la même eau que les lois sur les JO : abaissement des impôts sur les dons, simplification, possibilité pour le gouvernement d’agir par ordonnances pour « déroger à certaines dispositions législatives qui seraient nécessaires afin de faciliter la réalisation des travaux ».
On notera là encore la pudeur langagière. Ce que la loi sur Notre-Dame admet à mots couverts, c’est que le monstre législatif français, soutenu par une bureaucratie passionnée et une justice administrative zélée, empêche la réalisation effective de tout projet d’envergure. De fait, les travaux de 2019, réalisés en urgence, ont été effectués sans appels d’offres.
Plus récemment, le président de la République a annoncé un concours pour la réalisation de vitraux contemporains, afin de remplacer ceux de Viollet-le-Duc. Excellente idée, dans la mesure où les vitraux en question sont de médiocre intérêt, n’en déplaise aux thuriféraires du maître. Oui, mais ils sont classés aux monuments historiques, et donc en principe intouchables. Dans notre République monarchique, la parole présidentielle peut faire des miracles et, quand elle le souhaite – c’est beaucoup trop rare –, elle peut briser les conservatismes. Malheureusement, il y a fort à parier que, une fois le chantier de Notre-Dame inauguré et les JO clôturés, la vie économique normale du pays reprenne le dessus.
Les artisans, encensés depuis cinq ans, vont devoir retrouver les appels d’offres tatillons. Les législations européenne et française sur l’emploi du plomb seront toujours plus strictes, sans écouter suffisamment les revendications de ceux qui travaillent. L’argent privé sera plus difficile à collecter. Le Code de l’urbanisme reprendra sa course folle vers une complexité maximale… Et l’on se désolera que notre pays, empreint de nostalgie, s’affaisse dans la torpeur économique et le ressentiment social.
Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères
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