Ils amusaient petits et grands depuis plus d’un siècle. Les guignols du Champ-de-Mars, animés par des marionnettistes parisiens depuis 1902, ne sont plus les bienvenus à Paris. Julien Sommer, en charge du lieu depuis 25 ans, a appris la nouvelle cette semaine : sa concession va lui être retirée à partir de mars, pour les six prochains mois. Un coup dur pour ce passionné. « C’est toute ma vie que l’on m’enlève », raconte-t-il au JDD, désemparé.
Transformé en une « arène éphémère » le temps des Jeux, le Champ-de-Mars, théâtre de plusieurs viols commis sur des touristes ces derniers mois, va être privé de ses attractions historiques : crêpiers, exploitants de manèges, marionnettistes, tous sont priés de quitter les lieux. « Aucune indemnisation, aucune promesse de reprise après les jeux, on est dans le flou total ! », s’inquiète Véronique Lemesle, gérante de la buvette historique « La bonbonnière de Marie ».
« J’envisage une reconversion »
Cette ancienne couturière distribue crêpes et chocolats chauds aux badauds du Champ-de-Mars depuis près de 40 ans, une activité qu’elle affectionne plus que tout. « Je ne suis pas certaine de pouvoir reprendre mon métier après les Jeux olympiques, confesse-t-elle, alors j’envisage une reconversion ; peut-être refaire de la couture, ou bien ces toiles que j’ai peintes moi-même, je vais essayer de les vendre sur internet ! »
Julien, lui, marionnettiste depuis 30 ans, prépare ses adieux à son théâtre, dit « Castelet », construit pour l’Exposition universelle de 1902 dans un splendide style 2nd Empire. Il doit être vidé avant le 31 mars, du mobilier lié aux Jeux devrait y être entreposé. « J’ai 100 ans à vider, pour trois semaines de sport au mois d’août, c’est vraiment dur ! » Avec sa marionnette fétiche, le « guignol », Julien Sommer est un artisan du sourire et de la bonne humeur.
Ses personnages aux voix burlesques provoquent crises de rires et larmes de joie chez les enfants, il est une star du quartier. « Ça fait six ans que j’emmène mes trois filles voir les spectacles de Julien, elles en redemandent toujours, même l’aînée de neuf ans ! ». Virginie, une habitante du VIIème arrondissement, ne cache pas sa colère lorsqu’elle apprend la nouvelle de la fin des représentations. « Mais que veut faire Anne Hidalgo du Champ-de-Mars ? Tout s’est tellement dégradé depuis ces dernières années ! Elle ne va pas non plus nous enlever ça ? »
Aucune compensation financière
Les commerçants craignent un important manque à gagner pour les six prochains mois, aucune indemnisation ne leur ayant été proposée. Mais, surtout, la mairie de Paris est restée mutique sur une éventuelle reprise des activités à l’issue des Jeux, laissant planer un doute. « Un petit message pour nous rassurer aurait été bien ! Je ne suis vraiment pas sûre de pouvoir rouvrir en novembre… », raconte Véronique Lemesle, le ton inquiet.
Kevin Ravoire, lui, gère le manège derrière la bonbonnière. Il a repris la concession il y a deux ans et gère de nombreux autres manèges dans la capitale. Plus serein que les autres, Kevin assure que la mairie a été « réglo », celle-ci ne lui ayant pas imposé le démantèlement de son manège. « Il s’agit des Jeux olympiques, c’est un effort national, personnellement je comprends tout à fait », explique-t-il au JDD, joint par téléphone.
Coup dur pour la ville Lumière
Les autres concessions de Kévin lui apportent un matelas de sécurité, un confort sur lequel ni Véronique ni Julien ne peuvent compter. « Marionnettiste, c’est toute ma vie ! J’allais aux guignols quand j’avais trois ans. J’ai toujours voulu en faire mon métier ! raconte le trentenaire. S’ils m’enlèvent ça, c’est comme s’ils m’enlevaient une partie de moi-même. »
Surplombé par la tour Eiffel, magnifié par ses pelouses vertes, le Champ-de-Mars, symbole parisien par excellence, s’apprête à perdre quelques-uns de ses « monuments historiques » après ces départs contraints. C’est un nouveau coup dur pour le Paris éternel, déjà endeuillé par la migration forcée de 570 bouquinistes des quais de Seine en juillet dernier. Le prix à payer pour accueillir l’évènement sportif le plus suivi du monde.
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