N’est-ce pas la pire avanie pour un personnage historique que d’être universellement connu pour une phrase qu’on n’a jamais dite ? Pierre de Coubertin n’a en effet jamais prononcé la célèbre devise : « L’important, c’est de participer. » La si philosophique et si peu pratiquée sentence appartient à l’archevêque de Pennsylvanie, l’obscur Ethelbert Talbot. C’était en clôture des Jeux de Londres de 1908, sorte de cessez-le-feu d’une olympiade qui, aujourd’hui encore, passe pour un sommet de chauvinisme de la part du public, des athlètes, et plus encore de juges britanniques qui usèrent de tous les procédés pour faire gagner leurs compatriotes. La formule fut reprise ainsi par le Français Pierre Fredy, baron de Coubertin : « Retenons, Messieurs, cette forte parole : l’important, dans la vie, ce n’est point le triomphe mais le combat, ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu. » Bien moins punchline, on en conviendra.
En fait, « l’important, c’est de participer » doit une partie de sa postérité au fait qu’elle figurait sur les panneaux des scores lors des Jeux de Berlin, organisés en 1936. Pour Adolf Hitler et les nazis, la promotion du fair-play et de l’esprit dit « de Coubertin » n’était pourtant pas l’ambition première… La fausse paternité de cette ritournelle olympique n’est qu’une des nombreuses disputes qui entourent le Français Pierre de Coubertin (1863-1937), initiateur des Jeux modernes.
Alors que les prochains JO d’été se dérouleront à Paris, le personnage suscite plus que jamais la controverse dans son pays natal. Sa suffisance aristocratique est pointée, sa complaisance envers l’Allemagne d’Adolf Hitler supposée. Ses saillies misogynes et racistes, surtout, sont exhumées. Florilège : « Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. » « Les races sont de valeur différente et à la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance. » Autant dire que, pour celui qui se revendiquait un « colonial fanatique », l’affaire semble entendue en ce XXIe siècle qui se réclame de #metoo et de Black Lives Matter.
Le grand absent des JO de Paris
L’encombrante personnalité suscite l’embarras de ses successeurs contemporains. Sous le tapis, Pierre de Coubertin ! Silence radio au Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Une demande d’entretien auprès de David Lappartient, son actuel président, pour parler de celui dont la statue trône grandeur un peu plus que nature (1,67 mètre au lieu de 1,62 mètre) dans le hall du siège parisien, est restée sans réponse. Tapez « Coubertin » sur le moteur de recherche du Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) de cette 33e olympiade, et s’affiche un infamant message : « Aucun résultat disponible. »
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