On s’amuse, on rigole, le temps passe, et mine de rien, dans moins d’une année, Paris devra accueillir les Jeux Olympiques d’été. Heureusement, les astres s’alignent et tout indique que ces événements sportifs seront placés sous les meilleurs auspices.
Reconnaissons-le : ces jeux tombent vraiment à point. Pour une France dont la dette dépasse à présent tous les records, et dont le déficit n’en finit pas de se creuser (merci le Bruneau de Bercy), ces Jeux représentent même une vraie opportunité de dépenses somptuaires aux frais du contribuable avec une probabilité de retour sur investissement complètement nulle pour lui.
Rassurez-vous cependant : comme on peut s’y attendre, les gros industriels, largement subventionnés, sauront s’y retrouver. Le capitalisme de connivence à la française se porte très bien.
Et c’est donc avec une bonne humeur teintée d’un optimisme d’airain que, petit à petit, ces Jeux s’organisent dans la capitale française dans le respect inclusif de tous, de toutes et même de nos amis les animaux, à commencer par les surmulots dont on pressent qu’ils sauront, eux aussi, trouver leur intérêt à ce raout sportif.
D’ailleurs, à propos d’inclusivité et de mammifères facétieux, les hordes de migrants un peu turbulents ne seront pas un souci : d’une part, la sécurité sera assurée d’une main aussi ferme qu’électronique – et, on le soupçonne, extensible à l’ensemble du territoire pour bouter le complotiste et le dissident hors nos murs. D’autre part, bien que venus en nombre grâce à l’accueil chaleureux et solidaire – surtout solidaire, d’ailleurs – de la Mairie de Paris, ces migrants sont maintenant habilement redirigés dans des endroits plus propices à leur épanouissement personnel : les estimant sans doute un peu trop exubérants, pas tout à fait assez intégrés au décor, et souffrant d’une absence un peu trop visible des « bons codes » pour nos sociétés policées, les autorités ont en effet décidé de les expédier en petits paquets surprise aux six coins de l’Hexagone.
Gageons que la Province se réjouira de ces surprises croustillantes.
Pour les épreuves, les tests menés jusqu’à présent donnent une bonne idée de ce qui pourrait se passer : l’annulation chaotique de l’épreuve de natation ce premier week-end d’août permet de situer avec précision l’efficacité et le professionnalisme des équipes en charge de toute l’organisation.
Au passage, on ne pourra s’empêcher de noter que cette annulation survient à cause d’une pollution de la Seine (dont le lit n’était pas asséché, heureusement) provoquée par une pluie diluvienne, ruinant à la fois le message officiel d’une canicule, l’autre message officiel d’une sécheresse, celui d’une capitale de plus en plus propre, et celui, enfin, d’une préparation de ces jeux tirée au cordeau.
On sera rassuré en se rappelant que les surmulots savent assez bien nager, et que la pollution des lieux ne les gênera pas beaucoup. On gagnera en assurance en apprenant qu’en fait, après analyse des eaux, cette pollution n’était que très légère et – c’est ballot – ne nécessitait pas l’annulation des épreuves. On perdra toute assurance en constatant que si les épreuves furent malgré tout annulées, c’est essentiellement parce que les résultats des analyses sont parvenus trop tard, le lundi suivant.
Bref, les choses commencent à prendre la tournure qu’on imaginait déjà il y a quelques temps, et on entraperçoit les contours d’une capitale 2024 particulièrement rutilante.
Cossue, même, si l’on en juge par les estimations de prix des locations pendant cette période, que certains se sont enhardis à faire pour aboutir à des chiffres croquignolets : comptant avec un optimisme assez stupéfiant sur une masse de 15 à 20 millions de touristes à Paris pendant cette période, les professionnels du milieu hôtelier auraient ainsi multiplié le prix de leurs chambres par plus de six. Une chambre actuellement autour de 90 euros la nuit s’affiche parfois à plus de 1300 euros dans un an, ce qui ne manquera certainement pas de scandaliser les députés LFI dont on attend les réactions avec gourmandise (sauf pour ceux d’entre eux qui louent très capitalistiquement des chambres dans la capitale, bien sûr).
Sans nul doute, les répétitions et autres tests grandeur nature permettront de rôder les procédures, décrasser les moteurs, huiler les comportements, préparer les esprits et trouver des solutions innovantes pour résoudre ou contourner les mille et un petits soucis qui ne manqueront pas de se présenter dans les dix prochains mois.
Peut-être y aura-t-il un peu de retard ici ou là dans l’un ou l’autre aménagement olympique, mais reconnaissons-le, c’est peu probable. Peut-être y aura-t-il quelques tensions au niveau de la sécurité alors que certaines épreuves se déroulent dans les quartiers les plus festifs, jeunes et remuants de la capitale ; mais cette fois-ci, on sait que les autorités sauront réagir aux hordes de supporters anglais turbulents. Peut-être les transports en commun devront faire preuve d’un peu plus de leur légendaire souplesse et capacité d’adaptation pour accommoder le flot de touristes frétillants qui ne manqueront pas de se bousculer dans la capitale ; mais il est certain que les Franciliens et les Français sont déjà confiants.
Ou presque, puisque une petite minorité (67 %, tout au plus) des habitants de l’agglomération parisienne se disent pessimistes, estimant que la France ne sera pas prête.
Allons, allons !
Compte tenu de l’esprit inventif et de la détermination des équipes notamment municipales qui ont amplement démontré jusqu’à présent toute l’étendue de leurs compétences, il n’y a pas de doute : tout va très bien se passer.
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