Paris 2024 : ces entreprises qui misent sur les athlètes

, Paris 2024 : ces entreprises qui misent sur les athlètes
, Paris 2024 : ces entreprises qui misent sur les athlètes

Laëtitia Guapo veut sa revanche. Après la « médaille en chocolat » de son équipe de basket-ball à trois au JO de Tokyo, cette championne, en sélection nationale depuis 2019, a vu sa motivation redoubler. Encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions. Prof d’EPS dans le secondaire, cette Clermontoise de 28 ans est en disponibilité, non rémunérée. Or, pour préparer au mieux Paris 2024, elle doit s’entourer de préparateurs et d’une diététicienne. L’argent est le nerf de la guerre pour ceux qui visent l’or. Depuis les derniers Jeux olympiques, elle peut compter sur la Caisse d’épargne Auvergne-Limousin, qui la soutient au travers du pacte de performance. Un dispositif public cousu main pour inciter les entreprises à financer les champions tricolores.

Publicité

Créé dans le cadre de la loi du 27 novembre 2015, il visait à protéger le sportif de haut niveau, en amont des JO de Rio, en 2016. A l’époque, un rapport avait montré que 60 % des athlètes étaient en situation de précarité. « Mais, après les Jeux, beaucoup de sociétés se sont désengagées, déplorant un manque d’exposition et de retour d’image. Dans ce contexte, et afin de construire une action de mécénat, Thierry Braillard, alors secrétaire d’Etat chargé des Sports, a transféré le pacte de performance à la Fondation du sport français », explique Charlotte Feraille, déléguée générale de cette organisation. A la clé pour les entreprises, une défiscalisation des dons versés à la fondation à hauteur de 60 %. « Les entreprises sont autorisées à faire l’écho de leur contribution, dans le cadre de leur communication institutionnelle, poursuit-elle. Le coût pour elles est limité, le risque aussi : nous garantissons qu’il s’agit de sportifs performants, en difficulté sur le plan matériel et qui ont besoin de construire leur projet d’insertion professionnelle. »

LIRE AUSSI : Paris 2024 : l’ardoise cachée des Jeux olympiques

Au moins 20 000 euros par sportif et par an

Début décembre, on dénombrait 450 bénéficiaires. Les entreprises s’engagent pour un an minimum – et dans l’idéal quatre années pour une olympiade –, moyennant une mise d’au moins 20 000 euros par sportif et par an, avant défiscalisation. « En l’absence d’aides, les entreprises ne donnent en général pas plus de 5 000 euros, pointe Charlotte Feraille. Dans le cadre de la fondation, nous essayons de les faire tendre vers 25 000 euros, pour que l’athlète dispose d’un peu plus d’un smic pour vivre. Ce montant, limité, permet aussi de s’assurer que les contreparties demandées ne débordent pas du cadre fixé par l’administration fiscale. Certains sportifs peuvent, en outre, percevoir des subventions de la part de collectivités ou, pour les médaillables, de l’Agence nationale du sport, en mesure de compléter leurs revenus, qui peuvent alors atteindre 40 000 euros. » En 2022, le pacte de performance a drainé 9 millions d’euros de dons. Il devrait dépasser les 11 millions en 2023.

L’engagement peut être purement financier, ou comporter un volet d’insertion professionnelle. Saint-Gobain a préféré la première option : sa « team » se compose de sept athlètes. Enveloppe : 200 000 euros, avant défiscalisation. « Nous les avons choisis pour leur potentiel de médailles, mais aussi leur personnalité et leur parcours de vie », explique Laurence Pernot, directrice de la communication du groupe spécialisé dans les matériaux de construction. Parmi eux, la championne d’aviron handisport Margot Boulet, une ancienne gendarme qui s’était blessée lors d’un stage de parachutisme avec le GIGN et qui « a retrouvé l’envie et le goût de l’engagement à travers le sport ». Ou l’athlète Ludvy Vaillant, très impliqué auprès des jeunes en Martinique. De son côté, BPCE revendique le plus gros contingent : plus de 240 athlètes, associés à ses diverses entités : Caisse d’épargne, Banque populaire, Natixis… « Nous avons décidé de privilégier des disciplines moins médiatisées, avec un accent sur le handisport – 70 sont des para-athlètes, détaille Benoît Gausseron, directeur du partenariat de BPCE pour les JO de Paris. La moitié est accompagnée via le pacte de performance, lequel prévoit une aide financière et une préparation de l’après-carrière, que ce soit pour intégrer BPCE ou d’autres entreprises. L’autre moitié a signé un contrat de sponsoring et d’image. »

En échange, les athlètes participent à des événements avec les salariés ou les sociétaires. « Lors de nos séminaires internes ou externes, ils prennent la parole, partagent leur expérience de sportifs sur la gestion des émotions, l’esprit d’équipe… Marie Patouillet, cycliste handisport et médecin militaire, est intervenue au côté de notre président, Nicolas Namias, pour les vœux adressés aux 100 000 collaborateurs. Bien sûr, il faut jongler avec leurs agendas, a fortiori lorsqu’on s’approche des JO. » Les sportifs se plient volontiers à l’exercice. « Un directeur d’agence m’a sollicitée. Il réfléchissait à la manière de fédérer un collectif pour dépasser les objectifs de l’année passée. On est confronté à ça au quotidien ! sourit Laëtitia Guapo. Ce type d’interventions nous permet de diversifier nos compétences. Cela m’intéresse d’autant plus que je ne resterai peut-être pas prof d’EPS toute ma vie. »

L’enjeu de la réputation

Des entreprises de toute taille se lancent dans le mécénat sportif. Les plus grandes trouvent clairement leur compte dans l’affaire : l’image est flatteuse et la mise, limitée. « Les marques investissent ici davantage pour leur réputation que pour leur notoriété, indique Lionel Maltese, professeur à Kedge Business School. La réputation est une promesse faite à l’ensemble des parties prenantes, dont les employés. Les athlètes leur permettent de communiquer à destination de toutes leurs cibles, y compris des candidats potentiels, dans une période où le recrutement est difficile. »

Dès lors, peut-on encore véritablement parler de mécénat ? L’ancien handballeur de haut niveau Julien Jouny-Rivier, aujourd’hui professeur de marketing à l’Essca, s’interroge, car la démarche n’a rien de désintéressée. « En théorie, dans le cadre du mécénat, on ne peut pas savoir qui a fait un don à qui, et l’on n’attend pas de rétribution en échange. Dans le cadre du pacte de performance, le retour est double : défiscalisation et communication institutionnelle. »

LIRE AUSSI : Paris 2024, le pari de Sodexo Live! : « 6 000 employés à former pour être prêts dès le premier jour »

Hors du pacte de performance, dans le cadre des contrats d’image plus classiques, l’opération de communication est pleinement assumée. LVMH met en avant ses « ambassadeurs ». Luxe oblige, le géant français se limite à une poignée d’athlètes – quatre à ce jour, un ou deux autres pourraient les rejoindre prochainement – et cherche une certaine exclusivité dans ses alliances. En interne, on affirme ne pas avoir cherché les plus bankable, les plus grandes chances de médailles ou ceux qui sont le plus suivis sur les réseaux sociaux. Plutôt ceux qui avaient peu de partenaires et, si possible, quelque affinité avec l’univers de la mode ou des arts. Coup de chance – il en faut dans le marketing, comme dans le sport –, LVMH s’était rapproché de Léon Marchand juste avant qu’il n’explose les compteurs lors des Mondiaux de natation de Fukuoka, au Japon, en juillet dernier.

Un effet positif sur les performances

D’autres mécènes vont plus loin pour assurer la seconde vie de ces athlètes. « Il s’agit non plus seulement d’accompagner la performance durant leur carrière, mais aussi de favoriser leur réinsertion sociale ensuite », explique Julien Jouny-Rivier, de l’Essca. De longue date, des organismes publics ont assumé ce rôle, comme à la SNCF. « A l’origine, notre ‘dispositif athlètes’, créé en 1982, permettait à des cheminots de continuer de pratiquer un sport à très haut niveau, en aménageant leur temps de travail pour qu’ils puissent s’entraîner. Puis nous avons recruté des athlètes, devenus alors cheminots », raconte Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs de la compagnie ferroviaire, et lui-même intégré en 2001 lorsqu’il était skipper. Depuis l’origine, environ 250 athlètes – 31 actuellement – ont bénéficié de ce programme. Et 70 % d’entre eux sont restés à la SNCF après avoir raccroché les crampons. Pour l’entreprise, l’effort est très concret : l’athlète-salarié ne s’engage à travailler que 50 jours par an. « Et, durant une année olympique, selon le besoin, on peut les libérer jusqu’à un an », précise Laurent Guillemette. Pour les sportifs, ce cadre sécurisant à des effets directs… sur leurs chronomètres. « C’est impressionnant. Dans les sports où l’on peut mesurer les performances, en temps ou en distance, on constate qu’ils battent leurs records dans les douze à dix-huit mois après avoir intégré notre dispositif », souligne l’ancien skipper.

A EDF, ce type de contrats est aujourd’hui minoritaire. Parmi les 34 sportifs soutenus en vue de Paris 2024, trois sont salariés : l’escrimeur Romain Cannone, au contrôle de gestion, la sauteuse en longueur handisport Alexandra Nouchet et la multimédaillée en para-athlétisme Marie-Amélie Le Fur, dans les métiers de la communication. Les deux premiers sont « libérés à 100 % de leurs missions pour préparer les Jeux », la troisième est détachée pour présider le Comité paralympique et sportif français. Avec le reste de l’équipe, l’électricien a noué des contrats d’image. « Le team EDF est un mélange de sportifs d’expérience, comme Alain Bernard [NDLR : retraité des bassins], de stars confirmées, comme le nageur Florent Manaudou et la judokate Clarisse Agbégnénou, et de jeunes talents, telle Flora Vautier, dans le para-tennis de table. A l’image de notre entreprise, décrit Alexandre Boulleray, responsable du sponsoring. Ils forment un vrai collectif. Leur groupe WhatsApp est très actif ! »

LIRE AUSSI : Paris 2024 : pourquoi les pays organisateurs des JO surperforment

Pour que l’alchimie fonctionne, mieux vaut éviter les mariages forcés. Entreprises et athlètes se choisissent mutuellement. « Je fais attention à l’image que je veux renvoyer », confie la basketteuse Laëtitia Guapo, sponsorisée par EDF et la MGEN, en plus de la Caisse d’épargne. Et, parfois, les champions sont déjà dans la place… Comme ce coureur de 400 mètres congolais, Gilles Anthony Afoumba, salarié du Carrefour de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). « Nous avons découvert qu’il avait participé aux JO de Tokyo, et nous l’avons intégré à notre équipe d’athlètes, raconte la directrice du partenariat Paris 2024 du groupe Carrefour, Eve Zuckerman. Il se consacre aujourd’hui à 100 % à sa préparation et il a bon espoir d’être porte-drapeau de la délégation de la République du Congo. » Le distributeur travaille aussi à la vie d’après du lutteur mosellan Saifedine Alekma, lui-même fils d’un salarié de Carrefour, avec un accompagnement personnalisé. Au-delà de ces parcours singuliers, le groupe voit dans l’événement l’opportunité d’accélérer sa stratégie d’entreprise, sur le volet inclusion et handicap, notamment, vis-à-vis des collaborateurs et des clients. « Les Jeux ne s’arrêtent pas le 8 septembre 2024 », assure Eve Zuckerman. Histoire que ces partenariats restent gagnant-gagnant.

Beaucoup de réponses sont livrées par cet article présenté par lejournaldeleconomie.info qui parle du thème « Actualité économique ». L’écrit de départ a été rendu de la façon la plus honnête qui soit. Vous avez l’occasion d’écrire en utilisant les coordonnées présentées sur notre site web afin d’indiquer des détails sur cet article parlant du thème « Actualité économique ». lejournaldeleconomie.info est un agrégateur d’information qui présente de nombreuses actualités publiées sur le net dont le sujet central est « Actualité économique ». Consultez notre site lejournaldeleconomie.info et nos réseaux sociaux dans le but d’être informé des nouvelles communications.