Six ans. C’est la durée pour le moins réduite qui sépare les deux prochains Jeux Olympiques et Paralympiques qui auront lieu en France. En 2024, les JO d’été se dérouleront à Paris, et en 2030, les Jeux d’hiver se passeront selon toutes vraisemblances dans les Alpes françaises. Avant que la candidature commune de l’Auvergne-Rhône-Alpes et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur ne triomphe devant les dossiers suédois et suisses, la course à l’organisation des JO d’hiver 2030 a successivement vu les Pyrénées espagnoles, la ville japonaise de Sapporo ainsi que celle de Vancouver (Canada) abandonner leurs candidatures respectives. Des désistements en série qui s’expliquent notamment par la relative hostilité des populations à l’idée de voir l’olympisme débarquer près de chez eux. Depuis 1997, plus de deux tiers des référendums portant sur une potentielle candidature à l’organisation des Jeux ont vu le « non » l’emporter.
« Voilà deux décennies que nous voyons plus de candidatures avortées que de dossiers qui vont au bout du processus », observe Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport. Et, tandis que les pays occidentaux sont de plus en plus nombreux à renoncer à candidater, les pays asiatiques comme la Chine (JO d’été 2008, JO d’hiver 2022), la Corée du Sud (JO d’hiver 2018), l’Inde (vraisemblablement candidate aux JO d’été 2036) et à l’avenir les pays du Golfe (Qatar, Arabie saoudite), pointent le bout de leurs nez. « Le sport est à l’avant-scène des relations internationales », en conclut Jean-Baptiste Guégan.
« On sait désormais que ces évènements profitent rarement aux populations locales »
Pourquoi une telle réticence des pays occidentaux ? Concernant les Jeux olympiques d’hiver, les possibilités se restreignent à mesure que le réchauffement climatique fait fondre la neige. Mais indépendamment de la saison, la question économique et sociale est au cœur du problème. « Le coût nécessaire à l’organisation d’un tel évènement mondial est devenu astronomique. Seules les vingt premières puissances mondiales, les régimes autoritaires et les pays qui portent un projet de développement par le sport sont désormais en capacité de financer un tel projet », explique Jean-Baptiste Guégan. « Dans les pays démocratiques, les populations voient la privatisation des bénéfices pour les partenaires de l’évènement, et la socialisation des coûts qui retombent sur les contribuables. L’argument de l’utilité sociale est également important : on considère parfois que l’argent pourrait être mieux utilisé », analyse Hugo Bourbillères, maître de conférences en Staps à l’université Rennes 2 et spécialiste de la question des impacts des évènements sportifs. Par ailleurs, nous disposons aujourd’hui de plus de recul sur l’impact réel de l’organisation des Jeux olympiques. « On sait désormais que ces évènements profitent rarement aux populations locales. Ils ne sont pas forcément des vecteurs de développement, ou en tout cas pas autant que ce qui est initialement promis », ajoute Hugo Bourbillères. « Il est difficile de chiffrer les retombées. En matière d’image et d’aménagement, elles sont difficiles à expliquer aux populations. Il y a une vraie complexité à justifier tous ces investissements », souligne Jean-Baptiste Guégan.
Pour autant, il est faux d’affirmer que les populations sont systématiquement opposées à l’organisation des Jeux olympiques sur leurs territoires. Les Jeux olympiques sont parfois victimes de leur pouvoir d’attraction, et de la politisation partisane de l’enjeu. « Pour la candidature des Alpes françaises aux JO d’hiver 2030, si un référendum avait été organisé, l’ensemble des opposants au gouvernement se seraient mobilisés pour faire triompher ce qui aurait été vu comme un non adressé à Macron, résume Jean-Baptiste Guégan. C’est un phénomène propre au référendum, qui cristallise le rejet du pouvoir en place ». Sans compter que ces évènements sportifs mondiaux sont souvent associés à la surveillance de masse, ou à la corruption.
« Un éminent acteur de la FIFA s’est félicité qu’avec le Qatar, il n’y a pas de problème d’opinion publique »
C’est pourquoi les instances du sport international s’entichent de pays autoritaires. « Un éminent acteur de la FIFA s’est déjà félicité qu’avec des États comme le Qatar, où a été organisée la Coupe du monde de football 2022, il n’y a pas de problème en matière d’opinion publique ou de sécurité », raconte Jean-Baptiste Guégan. Les démocraties doivent, elles, rendre des comptes. Ce qui pousse par ailleurs le Comité international olympique (CIO) à modifier son processus de sélection. « Il s’exonère désormais de la phase de candidatures multiples, pour contractualiser directement avec les villes. Cela permet d’éviter la controverse dans l’espace public, l’organisation de l’évènement étant acté », révèle Hugo Bourbillères.
Plus récemment, les évènements sportifs mondiaux ont été associés à des aberrations écologiques. Si la Coupe du monde de football au Qatar ou les Jeux olympiques d’hiver 2022, organisés à Pékin grâce à une neige 100 % artificielle, ont cristallisé les exaspérations, les autres éditions n’en doivent pas moins composer avec cette donnée cruciale. Si Emmanuel Macron a vanté des Jeux olympiques d’hiver 2030 « innovants, durables et inclusifs », grâce notamment au fait que 95 % des structures qui devraient être utilisées existent déjà, le collectif No JO lui rétorque dans sa pétition en ligne : « Continuer à miser sur l’industrie du ski et des grands événements est un mauvais calcul pour les générations futures. Cela revient à miser notre avenir sur des activités vouées à disparaître, au lieu de passer à un tourisme raisonné. »
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Comment le CIO peut-il améliorer l’acceptabilité de l’organisation des Jeux auprès des populations issues des pays démocratiques ? Il pousse désormais la notion d’héritage : l’accueil des Jeux permettrait à un territoire d’évoluer durablement. Un narratif politique qui n’est pas forcément qu’illusoire, d’après Jean-Baptiste Guégan : « On a déjà constaté qu’organiser les JO permettait plus d’inclusion et de féminisation des sports. Sur le plan des infrastructures, si cela peut par exemple permettre de prolonger une ligne de métro. Le CIO essaie également de réduire les coûts. Ce qu’il ne faut pas, c’est faire de fausses promesses, comme l’histoire des “JO populaires“ de Paris », affirme-t-il. « Cela rend par ailleurs possible une véritable cohésion nationale ».
Et Hugo Bourbillères de conclure : « Le CIO doit arrêter de considérer l’opinion publique uniquement comme une menace, à travers les risques de contestations et référendums. Un changement de paradigme est nécessaire, pour co-construire les futurs Jeux olympiques avec les populations locales. »
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