Des Jeux plus vertueux que vraiment verts

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Pas dupes, les Français ? 61 % d’entre eux estiment que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris auront un impact assez ou très négatif sur l’environnement, même s’il s’en trouve 23 % pour l’imaginer assez ou très positif. L’idée que les grands événements sportifs représentent une inévitable gabegie environnementale semble s’être imposée dans l’opinion.

L’olympiade parisienne se présente pourtant comme beaucoup plus vertueuse que les précédentes, affichant dès sa candidature en 2016 un objectif de « sobriété », alors que le terme était peu en vogue.

Si l’allégation initiale de « neutralité carbone » a été abandonnée, discréditée par son emploi mensonger pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, et surtout officiellement désapprouvée pour caractériser un événement, Georgina Grenon, directrice de l’excellence environnementale du comité d’organisation (Cojop), l’affirme :

« Notre engagement, très ambitieux, n’a pas changé d’un iota : réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport à la moyenne des Jeux de Londres et Rio, et financer des projets de contribution climatique à la hauteur des émissions que nous n’aurons pas pu éviter. »

L’utilisation d’une très grande majorité d’infrastructures existantes ou temporaires, la compacité des sites (85 % sont à moins de 10 km du village olympique) et la densité du réseau de transports en commun ont contribué à rendre réaliste cet objectif de 1,58 million de tonnes de CO2.

« Les Jeux de Paris sont les premiers à se fixer de tels objectifs, et la réduction de leurs émissions est significative », salue Martin Müller, professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’université de Lausanne, qui pondère immédiatement : « La moitié d’un mauvais résultat ne fait pas un bon résultat. Ce n’est que le début d’un voyage qui doit se poursuivre. » Alors, quelle part de ce voyage l’olympiade de Paris a-t-elle parcouru ?

Un catalogue de bonnes pratiques

« Avant de réduire les impacts, il faut les comprendre : nous avons mené un travail de fond inédit sur les trois volets de l’impact climatique, de l’impact matière (l’utilisation les ressources) et de l’impact sur la nature », expose Georgina Grenon.

La démarche repose sur quatre piliers : contribuer à la neutralité carbone, préserver et régénérer la biodiversité, développer l’économie circulaire et renforcer la résilience face au changement climatique. Elle insiste sur trois postes d’émissions : la construction, l’énergie et l’alimentation.

Les 52 hectares du village des athlètes font figure de chantier modèl e : il prétend à une réduction de 30 % des émissions au mètre carré

Les 52 hectares du village des athlètes font figure de chantier modèle. Cumulant réemploi, matériaux bas carbone et biosourcés (dont du bois issu de forêts éco-gérées), transport par voie fluviale, recours à la géothermie et au photovoltaïque, toits végétalisés ou protections solaires, il prétend à une réduction de 30 % des émissions au mètre carré, 47 % sur l’ensemble du cycle de vie.

Sur le plan énergétique, Georgina Grenon annonce « un changement complet d’échelle » et une baisse de 80 % des émissions en comparaison des événements sportifs organisés en France, grâce au raccordement au réseau de tous les sites de compétition afin d’éliminer les groupes électrogènes diesel, et à un mix d’électricité issu à 100 % d’énergies renouvelables, assuré par EDF.

Pour les 13 millions de repas à distribuer, outre une drastique réduction des contenants en plastique, l’objectif est une division par deux des émissions par rapport à un repas moyen français, en mettant deux fois plus de végétal dans les assiettes, en achetant local à 80 %, et de saison.

« Nous avons analysé toute la chaîne de valeur, depuis l’agriculteur jusqu’au méthaniseur, et lutté contre le gaspillage en réduisant nos propres commandes, en optimisant la gestion des stocks et en signant des accords avec des associations qui redistribueront les invendus », détaille Georgina Grenon.

La valeur de l’exemple

Techniques de construction « développées par des entreprises françaises et aujourd’hui uniques au monde », savoir-faire transmis aux comités d’organisation des prochaines olympiades, guide « Coach climat » pour aider tous les organisateurs d’événements à réduire leurs impacts : avec cet « héritage immatériel », la principale valeur écologique de ces Jeux serait celle de l’exemple.

« Nous avons fait le pari de transformer ces Jeux en laboratoire afin de mettre en place des solutions innovantes à très grande échelle. Et si c’est possible pour des Jeux, cela l’est pour tout le monde », assure Georgina Grenon.

« L’écoconception des bâtiments du village olympique, la comptabilité carbone ont tiré tout le monde vers le haut et contribué à la montée en compétence des parties prenantes, à l’évolution des normes de comportement », veut lui aussi croire Maël Besson, consultant passé par le WWF France et le ministère de la Transition écologique.

Martin Müller est plus dubitatif : « Nos recherches montrent que ces événements exceptionnels ne changent pas réellement les structures, les modèles économiques, les politiques publiques. Leurs effets sont très transitoires, d’autant que les moyens financiers consacrés aux JO ont tendance à disparaître. »

Dans un rapport publié le 15 avril, l’ONG Carbon Market Watch et le cabinet Eclaircies reconnaissent l’effort, mais jugent la « stratégie climat » de Paris 2024 « incomplète, et loin d’assurer une transparence suffisante », pointant le flou autour de l’achat de crédits carbone.

« Il y a encore beaucoup d’incertitudes, notamment sur le nombre de spectateurs et leur origine, ce qui suggère que l’estimation du bilan carbone est optimiste », analyse Maël Besson. Mais il rejoint Georgina Grenon quand celle-ci interroge : « Connaissez-vous beaucoup d’événements ou d’activités économiques, en France, qui se sont donné un tel objectif ? Et qui l’ont atteint ? »

La trajectoire de Paris

Une réduction de moitié des émissions met l’édition 2024 dans la trajectoire de l’accord de Paris. Mais qu’en sera-t-il des suivantes ? En prenant Londres 2012 comme référence – avec entre 3 et 5 millions de tonnes de CO2 émis –, Martin Müller calcule qu’il faudrait atteindre entre 300 000 et 500 000 tonnes à l’horizon 2050. « Or le CIO ne fixe pas de tels objectifs. La trajectoire des Jeux ne s’inscrit pas dans une réduction à la mesure des objectifs. »

Leur modèle repose en effet sur le tourisme de masse, grand impensé des satisfecit parisiens. « Autant de transport aérien, ce n’est mathématiquement pas compatible avec les limites planétaires », confirme Maël Besson.

Le modèle des JO repose sur le tourisme de masse, grand impensé des satisfecit parisiens

A Los Angeles (Etats-Unis), ville hautement carbonée, en 2028, puis à Brisbane (Australie) en 2032, la « refonte complète du modèle des Jeux » qu’appelle Carbon Market Watch semble vouée à rester lettre morte.

Les Jeux restent aussi un vecteur de greenwashing. Si TotalEnergies a été écarté, « au moins six sponsors de l’événement (ArcelorMittal, Air France, Danone, Saint Gobain, Vinci) sont sur une trajectoire climat incompatible avec l’accord de Paris », pointait César Dugast, du cabinet Eclaircies, sur le réseau X (ex-Twitter) le 15 avril dernier. Sans oublier Coca-Cola, superpuissance derrière le CIO et « champion du monde » de la pollution plastique selon l’association Break Free From Plastic.

Les entreprises très polluantes, surreprésentées dans le sponsoring sportif, « viennent chercher des valeurs que leurs activités ne respectent pas », ironise Maël Besson. Il prône « une sorte de loi Evin climat pour décarboner le financement privé du sport, qui interdirait la publicité des produits et services néfastes à l’environnement ».

Changer la règle des Jeux

Martin Müller en revient au « paradoxe au cœur des JO, d’hiver comme d’été » : « Leur tenue dépend du climat, or ils nuisent à leurs propres conditions d’existence avec des émissions de CO2 très importantes ». Le problème n’est pas les Jeux olympiques de Paris, mais les Jeux olympiques eux-mêmes, et leur gigantisme.

Pourtant, « la plupart des revenus des JO ne dépendent pas de leur taille et de leur nombre de spectateurs, mais des droits de diffusion et du sponsoring. L’événement aurait donc vocation à se décarboner sans nuire à son modèle économique », estime l’universitaire suisse.

Pour le « réinventer » vraiment, des solutions plus radicales sont avancées : réduction du nombre d’athlètes et de disciplines, choix d’un à trois sites permanents qui les accueilleraient en rotation, quotas de spectateurs étrangers, développement des « fan-zones » et des technologies permettant de vivre les compétitions à distance, etc.

Les JO de Paris 2024, que leur responsable de l’excellence environnementale ne veut pas qualifier de « Jeux écologiques », mais de « Jeux plus responsables », auront ouvert une voie, sans pouvoir garantir qu’elle ne finisse pas en impasse.

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